Vers
l’élection présidentielle de 2017 en France
Révolutions
des titres et évolutions de la réalité
Interrogations : à
quand la démocratie ?
[1]. Domaines de l’homme, p. 224. Dans
l’édition en collection de poche, p. 278.
[2]. Voir Condition de l’homme moderne, pp.
244-245, La crise de la culture, p.
202-203 et pp. 315-317, Penser
l’événement, p. 188 et p. 190.
[3]. Je viens
d’apprendre que, selon un sondage, seulement 46 % des personnes interrogées
estiment que le vote aux élections est le meilleur moyen de se faire entendre.
Voir Stéphane Dupont, « Les Français réclament un fort renouvellement des
pratiques politiques », Les Échos, 18
janvier 2016.
[4]. Voir mon
essai Qui nous sommes et où nous allons.
[5]. Ces calculs
optimistes sont sommaires, mais nullement fictifs. En effet, je prends comme
base le corps électoral officiel actuel, c’est-à-dire les inscrits sur les
listes électorales (45 millions), je présuppose de la façon la plus optimiste
une abstention de seulement 20 %, je supprime les votes blancs et nuls comme
c’est encore le cas dans la politique instituée, et je considère avec l’INSEE
que la population totale de la France aujourd’hui est de 67 millions. J’ajoute
pour la gloire de la « démocratie » qu’environ 5 millions de Français ne sont
pas inscrits sur les listes électorales ou croient ne pas l’être. Je laisse une
critique des sondages pour plus tard.
[6]. Un homme
assez politisé quand même, Daniel Cohn-Bendit, a déclaré tout récemment :
« Je ne vote pas idéologiquement, je vote pour la personne la mieux placée et
la faire gagner à 70 % - 30 %, je vote contre Marine Le Pen ». Un vote contre «
une personne » donc, non pas un vote contre la réalité et pour le changement,
mais contre Marine Le Pen. En effet, un vote pragmatique.
[7]. En ce qui
concerne ce long processus, je voudrais évoquer deux faits importants à mon avis.
Déjà en 1990, un penseur politique parlait de l’« électroencéphalogramme
plat » de tous les partis politiques en France, « terre classique de la
politique » d’après Marx. Figures du
pensable, p. 161. Le même penseur disait en 1992 : « Encore qu’il ne faille pas non
plus sous-estimer le rôle de certaines manœuvres électorales politiciennes du
président Mitterrand pour faire perdre des voix à la droite
traditionnelle ; grâce auxquelles les socialistes, à mon avis, vont se
retrouver un de ces jours derrière Le Pen aux élections… ». Une société à la dérive, p. 128. Ce
penseur est donc Cornelius Castoriadis. Sa prévision a été réalisée dix ans
plus tard, en 2002 ! On verra quelle amplification prendra, dans cette
élection, la distance entre Marine Le Pen et le candidat officiel du Parti
socialiste Benoît Hamon.
[8]. Voir, entre
autres, Thomas Guénolé, « La bulle Macron, un matraquage publicitaire massif »,
sur internet.
[9]. Macron n’a pas
cependant évité l’esprit bipolaire de la vie politique traditionnelle, et
propose un autre clivage, non moins insensé, entre les conservateurs et les
progressistes.
[10]. Le nom
officiel du « mouvement » En Marche ! est Association pour le
renouvellement de la vie politique ; celui-ci a donc la forme et les
statuts d’une association et revendique actuellement 200 000 adhérents, ce qui
est phénoménal.
[11]. Vaincre le totalitarisme islamique, est le titre
du dernier livre de Fillon, qui a joué un rôle important dans son succès.
[12]. Moi-même,
j’ai écrit, dans un mail envoyé aux ami(e)s en Grèce, que l’intégrité de
François Fillon est un élément qui a contribué à sa victoire aux primaires.
J’ai des excuses. Je l’ai dit mille fois, la critique que j’adresse à la
politique instituée, aux partis et aux hommes politiques, aussi exagérée
qu’elle paraisse, est le plus souvent loin derrière de la réalité effective par
rapport à la gravité des faits réels.
[13]. C’est-à-dire le
20 % des suffrages exprimés que Fillon va éventuellement obtenir au premier
tour, soit 15 % à peu près du corps électoral, et 10 % des inscrits. Et même
si, contre toute attente, il passe au second tour, il est certain qu’il sera
élu président de la République sans obtenir la majorité absolue du corps
électoral.
[14]. Depuis que je
vis à Paris (1986), et j’ai abandonné pour ainsi dire l’activité «
politique » de militant, j’ai choisi de voir de mes propres yeux toutes les
manifestations importantes. Le sujet de ma recherche sur la participation et
l’apathie politiques imposait ce choix, car ma longue expérience du
militantisme m’incitait à penser que les chiffres des manifestants ont toujours
été multipliés par 10. Je suis allé donc voir le rassemblement de Fillon. Je
donne le chiffre de 10 000. Quant à la manifestation place de la République, ce
n’est pas même la peine d’en parler. Elle était insignifiante, en chiffres et
en paroles.
[15]. Voir mon
essai cité dans la note 4.
[16]. Primaires de la
droite et du centre ont été appelées les premières, primaires de « La belle
alliance populaire », les secondes ; même les titres de ces primaires ont
été truqués !
[17]. Entre autres,
on a vu un journal, des plus sérieux, Le
Monde, annoncer la large victoire de François Fillon aux primaires de la
droite et du centre avec à la une le titre suivant : La révolution
conservatrice. Mais on a vu aussi le Parti socialiste truquer la participation
au premier tour de la primaire qu’il organisait pour démontrer que lui aussi
attire des foules.
[18]. Inutile de
dire que le paradoxe aboutit à la chose la plus logique : Hamon a corrigé
jusqu’à présent deux fois sa proposition initiale.
[19]. En d’autres
pays aussi ; tout récemment, même un référendum a été organisé en Suisse
sur ce sujet.
[20]. Je me
rappelle très bien que la France a été condamnée en tant qu’État par le Conseil
de l’Europe pour une pratique similaire des policiers contre un trafiquant de
drogue, pendant une garde à vue. Je ne crois pas qu’il a été fait mention de
viol alors, mais de torture. Il s’agit donc d’une pratique policière pas aussi
rare, et donc totalement condamnable
comme tel. Je ne comprends pas ce que l’on gagne, quant à condamnation de
l’acte, si on appelle la torture viol. On perd néanmoins quelque chose
d’essentiel : l’acte apparaît comme un geste isolé d’un policier, alors
qu’il s’agit d’une pratique de la police.
[21]. Cf. l’entretien
de Yassine Belattar, dans L’Obs, n°
2729, du 23 février au 1er mars 2017, pp. 50-52.
[22]. Je laisse ce
cas à part, pour le traiter dans une prochaine synthèse, tant il est lié à des
manœuvres électorales et des calculs politiciens nauséabonds.
[23]. Il y a un
auteur qui soutient que c’est le seul moyen pour faire bouger les choses ;
j’en doute au sens que j’ai indiqué au début, il faut aussi, et en même temps,
une alternative fiable, la démocratie. Voir Antoine Buéno, No Vote ! Manifeste pour l’abstention, préface de Michel
Onfray, paru en février 2017.
[24]. Les dimanches,
23 avril et 7 mai 2017, c’est le premier et le second tour des élections
présidentielles. Les dimanches 11 et 18 juin 2017, c’est le premier et le
second tour des élections législatives, pour l’élection de 577 députés. Un député par 125 000
habitants.
[25]. Cf. Hannah
Arendt, Condition de l’homme moderne,
pp. 246-251. Dans la nouvelle édition, L’humaine
condition, Quarto Gallimard, pp. 211-214.
[26]. Voir
Cornelius Castoriadis, Démocratie et
relativisme, p. 98. Je prends à dessein la formulation la plus abrupte,
mais il est vrai que Castoriadis a toujours gardé l’expression « démocratie
directe » par opposition à «
démocratie représentative », tout en soulignant que cette dernière n’est pas
une démocratie ; voir ib.
Castoriadis a réservé la formulation la plus dure, et l’expression la plus
forte, contre l’idée de représentation dans l’un de ses meilleurs textes
politiques : « La pensée politique ». La phrase la plus sévère, la plus
révélatrice de son esprit, et la plus synthétique, est la suivante : « La
démocratie “représentative”, en fait négation de la démocratie, est la grande
mystification politique des temps modernes. La démocratie “représentative” est
une contradiction dans les termes, qui cache une tromperie fondamentale. Et de
pair avec cette mystification va la mystification des élections. » Ce qui fait la Grèce, p. 299.
[27]. Nicos
Iliopoulos, « Cornelius Castoriadis et la création politique comme invention de
nouvelles façons de vivre », dans l’ouvrage collectif Six auteurs de théorie politique pour le XXIe siècle,
pp. 231-254.
[28]. Ce n’est pas
moi qui le dit. C’est l’une des idées les plus fines que j’ai trouvées dans un
livre sur ce sujet, et pour voir la finesse et le côté plaisant à la fois,
voici les autres paradigmes d’oxymores similaires cités : musique
militaire, banque populaire, islamisme modéré. Jean-Loup Chiflet, Dictionnaire amoureux de la Langue française, lemme « Fleurs de rhétorique
», p. 260.
[30]. Fait confirmé
par les applaudissements en faveur seulement de Philippe Poutou, lors du
deuxième débat télévisé entre les 11 candidats, le 4 avril 2017. J’y
reviendrai.
[31]. « Dans la
cinquantaine de volumes des Œuvres
complètes de Lénine, une phrase au moins restera éternellement vraie :
“En
politique, il n’y a que les imbéciles pour croire les autres sur parole.” ». Cornelius
Castoriadis, texte « L’évolution du P.C.F. » (1977), dans le livre La société française, 10/18, 1979, p.
260.
[32]. Radio :
on écoute la parole, on comprend bien les arguments de chacun. Mieux vaut pour
un débat. J’ai fait après la comparaison en regardant aussi les images, les
expressions des visages et les gestes.
[33]. En relisant
le fameux texte de Pierre Bourdieu « L’opinion publique n’existe pas », j’ai
trouvé dans celui-ci beaucoup d’éléments pertinents justifiant son objectif «
de procéder à une analyse rigoureuse » du fonctionnement et des fonctions des
sondages d’opinion. À Bourdieu ne plaise, l’« opinion publique » existe, mais elle n’est
pas formée-formatée par les médias, omnipuissants face aux personnes idiotes,
comme présuppose sa théorie déterministe. La preuve en est que cette « opinion
publique » est diversifiée, divisée, fragmentée, voire morcelée en mille
morceaux. Par ailleurs, l’erreur fondamentale de Bourdieu dans ce texte, et
dans d’autres textes aussi, c’est de mettre au même niveau les sondages et les
consultations électorales. Voir pour ce texte de 1972, Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, pp.
222-235.
[34]. Cf. un grand
texte de Castoriadis, « La polis grecque
et la création de la démocratie » (1982-1983), dans Domaines de l’homme, notamment pages 293-294. Dans l’édition en
collection de poche, pp. 366-367.
[35]. Le Centre de
recherches politiques de Sciences Po (anciennement Centre d’études de la vie
politique française, l’acronyme CEVIPOF étant toujours employé malgré le
changement de dénomination en 2003) est une unité mixte de recherche sous la
tutelle de la Fondation nationale des sciences politiques et du CNRS.
[36]. Nicos
Iliopoulos, Participation et apathie
politiques dans la France contemporaine, 2001. Voir sur internet.
[37]. Bien que j’ai
écrit, dans la note préliminaire, que j’examine avec cette deuxième synthèse la
période qui va jusqu’à la fin du mois de mars, je prolonge jusqu’à aujourd’hui
12 avril cette période.
[38]. Comme déjà dit
dans la deuxième synthèse, je rappelle que le 20 mars 2017 a lieu un premier débat
télévisé entre les cinq principaux candidats, suivi par au moins 10 millions de
téléspectateurs, et puis le 4 avril 2017 a lieu un deuxième débat télévisé
entre la totalité des 11 candidats, débat suivi cette fois par 6 millions.
[39]. Il est vrai que
ces deux « prévisions » n’apparaissent pas dans les deux premières synthèses.
J’étais obligé d’être retenu. Mais, dans les notes que je rédigeais presque
chaque jour, et que j’envoyais à des amis par mails, elles ont été formulées
explicitement.
[40]. La force de la
formule est de Daniel Cohn-Bendit.
[41]. Inutile de
rappeler que les résultats officiels
de l’élection, base de mes analyses, ont été proclamés par le Conseil
constitutionnel.
[42]. Ici les
pourcentages sont peut-être nécessaires pour montrer la réalité et la
démocraticité du système/régime politique : 8,6 millions représentent 12,8
% de la population totale de la France, 18,1 % des inscrits sur les listes
électorales, et 23,88 % des suffrages exprimés.
[43]. Cornelius
Castoriadis, Le monde morcelé, p.
168.
[44]. Fait et à faire, pp. 65-66.
[45]. Ces trois
ouvrages sont : Le sacre du citoyen
Histoire du suffrage universel en France (1992) ; Le peuple introuvable Histoire de la représentation démocratique en
France (1998) ; La démocratie
inachevée Histoire de la souveraineté du peuple en France (2000).
[46]. À propos de
la phrase de Pierre Rosanvallon, « Démocratie, pouvoir du peuple. », écrite
entre 1992 et 1998, qu’il me soit permis de pointer la contradiction suivante.
Le même auteur, dans son article « L’histoire du mot
démocratie à l’époque moderne », paru en 1993, écrit : « Si la démocratie
recueille maintenant sans peine la quasi-unanimité des suffrages, incarnant aux
yeux de la grande majorité de nos contemporains le type de régime politique le
plus désirable, sa définition est ainsi loin de susciter le même accord, dès lors, du moins, qu’on ne se
contente plus des formules convenues et des paraphrases usuelles (la démocratie
comme “pouvoir du peuple”). » Cet
article de Pierre Rosanvallon a été publié dans le premier et seul numéro de la
revue La pensée politique, mai
1993 ; pour le passage cité, voir p. 28. C’est moi qui souligne.
[47]. Cette
affirmation : le pouvoir du peuple ne peut s’exercer de façon directe dans
le monde moderne, est devenue l’axiome indémontrable, indécidable, et donc totalement arbitraire, de la pensée
politique moderne, de sa composante majoritaire tout au moins. Pourquoi donc
est-il comme ça ? Tous les arguments contradictoires sont présentés par Rosanvallon
et d’autres encore. Mais, tous les arguments du monde ne disent rien devant le
fait que l’on n’a pas essayé de mettre en œuvre la démocratie. (C’est moi qui
ai mis en caractères gras les expressions dans les passages cités.)
[48]. Selon les sondages
avant le premier tour, on estimait que ce taux ne pourrait pas être supérieur
de 27 %-30 %.
[49]. Entre 1981 et
2002, nous avons cinq alternances et trois cohabitations. Entre 2002 et 2017,
nous avons deux alternances, avec une alternance intérieure pour ainsi dire
entre Chirac et Sarkozy en 2007. Ce qui est plus clair, en ce qui concerne la
période la plus proche, c’est qu’aussi bien la « rupture » promise par Sarkozy
(2002-2007) que le « changement » mis en avant par Hollande (2007-2012) ont
échoué terriblement.
[50]. Marcel Gauchet,
«
Pacification démocratique, désertion civique », Le Débat, n° 60, mai-août 1990, p. 87.
[51]. Cornelius
Castoriadis, « Quelle démocratie ? », dans
Figures du pensable, p. 161. Dans ce même texte, Castoriadis écrit : « En
1960 déjà, j’écrivais sur l’absence d’imagination des “ hommes politiques ”
contemporains. » Ibid.
[52]. Voir la
nécrologie de cet homme politique dans CNEWS
Matin, n° 2042, du mercredi 22 mars 2017, p. 6.
[53]. Cette division
reste conventionnelle, « méthodologique », durant toute mon analyse.
[54]. Je respecte
absolument le droit de ces candidats de se présenter au suffrage universel.
N’empêche que, à mon avis, leur candidature n’avait aucun sens – et non pas
pour la raison qu’ils n’avaient aucune chance d’être élus.
[55]. Phrase d’Emmanuel Macron : « Vous pensez une seule seconde que les
gens de gauche iront massivement voter François Fillon s’il se retrouve face à
Marine Le Pen au second tour ? », entretien dans Le Monde, du mardi 4 avril 2017, p. 8.
[56]. Ce débat
télévisé avait ceci d’inédit : c’est la première fois qu’un candidat
accédé au second tour de l’élection présidentielle avait accepté de débattre
avec l’un des Le Pen. On constate donc la lourde erreur des hommes politiques
qui refusaient auparavant toute confrontation directe avec le leader du FN. À
ma connaissance, parmi les hommes politiques importants, seul Lionel Jospin
avait accepté de faire un débat radiophonique face à Jean-Marie Le Pen. C’était
le premier temps après mon arrivée à Paris, en 1987 probablement. Je me
rappelle très bien que j’avais collé mon oreille contre un poste de radio
transistor pour écouter ce débat unique. J’avais l’impression que Jospin a
écrasé Le Pen. De toute façon, j’avais toujours l’opinion que c’est une grosse
erreur des forces politiques dites républicaines de refuser le débat en face à
face contre Le Pen ; comme j’avais toujours constaté leur impuissance
disons idéologique à affronter les fausses idées du Front national.
[57]. J’attire l’attention
sur cette expression verbale « Je veux », assez souvent employée par Macron.
C’est le mauvais (?) signe de trop de confiance à soi-même, d’un penchant
autoritaire et autarchique à la fois, marque d’autosuffisance.
[58]. L’éditorial du Monde, le lendemain du débat, portant le
titre « Le visage de l’extrême droite », l’a fait remarquer à juste titre. Le Monde, 5 mai 2017.
[59]. Je m’inspire
ici des lignes suivantes de l’un des meilleurs textes de Cornelius
Castoriadis : « Quant je dis que les Grecs sont pour nous un germe, je
veux dire, en premier lieu, qu’ils n’ont jamais cessé de réfléchir à cette
question : qu’est-ce que l’institution de la société doit
réaliser ? ; et en second lieu que, dans le cas paradigmatique,
Athènes, ils ont apporté cette réponse : la création d’êtres humains
vivant avec la beauté, vivant avec la sagesse, et aimant le bien commun. »
Cette affirmation est sous-tendue par la position connue de Castoriadis selon
laquelle la société démocratique est indissociable de certaines valeurs
substantives, qui doivent inspirer la vie en commun. Seule « correction » que
j’apporte à cette position, c’est que je parle quant à moi des principes et non
pas des valeurs.
[60]. Pour ceux qui
seraient choqués par l’idée de fabrication de l’individu, je dis seulement que
l’idée, le mot littéralement : κατασκευή, se trouve chez Platon (République, 449a), qui est à mon avis la
source de l’inspiration de Castoriadis.
[61]. Parmi la
pléthore d’ouvrages, je cite deux : Françoise Sunbileau, Marie-France Toinet,
Les chemins de l’abstention Une
comparaison franco-américaine, Paris, La Découverte, 1993. Céline
Braconnier, Jean-Yves Dormagen, La
démocratie de l’abstention, Paris, Gallimard, 2007.
[62]. Je rappelle à
ce propos ce que j’ai écrit dans la note 33 de la deuxième synthèse. Une erreur
fondamentale de Pierre Bourdieu, dans son fameux texte « L’opinion publique
n’existe pas », c’est l’assimilation intolérable et fausse entre les sondages et
les élections. Bourdieu y écrit : « En fait, ce qui me paraît important,
c’est que l’enquête d’opinion traite l’opinion publique comme une simple somme
d’opinions individuelles, recueillies dans une situation qui est au fond celle
de l’isoloir, où l’individu va furtivement exprimer dans l’isolement une
opinion isolée. » Voir pour ce texte de 1972, Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, pp. 222-235, et
pour le passage cité, p. 231. La même erreur se répète dans le texte « Culture
et politique », de 1980 : « Le mécanisme selon lequel s’exprime l’opinion,
à commencer par le vote, est un mécanisme censitaire caché. […] Dans le cas des
sondages (qui obéissent à une logique tout à fait semblable à celle du vote),
on dispose des informations nécessaires pour analyser les facteurs qui
déterminent cette probabilité » d’avoir une opinion. Même ouvrage, pp. 236-250,
et pour le passage cité, p. 238.
[63]. On parle de
participation électorale. Ce sont les votants ; valorisés. Soit. On dit
abstention pour désigner les non votants. Déjà le terme d’abstention témoigne
d’un jugement de valeur péjoratif, dévalorisant, pour tous ceux qui n’ont pas
voulu voter. En France, tout au moins, ils ont ce droit. Mais il y a pire. Non
seulement les bulletins considérés comme nuls, mais aussi les bulletins blancs
ne sont pas pris en compte au résultat final. On a inventé le terme de
suffrages exprimés. Celui qui ne vote pas ou qui vote blanc ne s’exprime donc
pas ; telle est la logique du système politique et du système
électoral.
[64]. En peu de
mots, lecture démocratique de la société est la lecture que fait, que doit
faire, celui qui vise une société démocratique et autonome. La lecture
démocratique de la société implique, entre autres, la reconnaissance de la
polyphonie dans les sociétés contemporaines, la compréhension de la société par
l’examen de tous les aspects de la vie réelle des gens, l’idée que font partie
de la société toutes les citoyennes et tous les citoyens.
[65]. L’essentiel
de ce texte a été écrit entre les dates indiquées à la fin. Je rédige pourtant
ces dernières lignes le 15 août 2017, en connaissant ainsi les résultats des
élections législatives du mois de juin 2017.
[67]. La question ce
n’est pas du tout si j’avais raison ou pas. On parle de sondages, mais il y a
aussi l’« opinion publique ». Je me demande donc comment se fait-il qu’à Paris,
ville où je vis, il y a eu même des amis de moi qui disaient qu’ils entendent
beaucoup de gens dire qu’ils vont voter pour Marine Le Pen. Or, à Paris
précisément, Marine Le Pen a obtenu au premier tour 4,99 % des suffrages
exprimés, et au second tour 10,32 %. (Voir réciproquement, Le Monde, 29 avril 2017 et 9 mai 2017.) Alors, l’ombre d’une
éventuelle élection de Marine Le Pen à la Présidence de la République
française, ce n’était qu’une ombre, une impossibilité foncière. L’un des
éléments, parmi beaucoup d’autres, qui m’a fait écrire, dans la première
synthèse, que la société française était, semble-t-il, plus désorientée que
jamais.
[68]. Voir entre
autres François Ruffin, « Lette ouverte à un futur président déjà haï », Le Monde, 5 mai 2017, p. 23.
[69]. Entretien de
Emmanuel Macron, au titre « J’ai rencontré Paul Ricœur qui m’a rééduqué sur le
plan philosophique », dans l’hebdomadaire Le
1, n° 64, 8 juillet 2015.
[70]. Dans un mail du vendredi, 19 mai 2017, envoyé par La République En Marche !, nous lisons : Nous changeons
la vie politique. Maintenant, changeons la France !
[71]. Ce sont ses
discours que je prends en considération, je n’ai rien d’autre. Voilà l’une des
spécificités majeures de l’élection, toute élection : nous sommes, nous
autres gens ordinaires et électeurs potentiels, devant des mots écrits
(programmes) ou prononcés (discours). Point à la ligne. Ils vont nous dire
qu’il y maints autres éléments sur lesquels on peut juger un candidat. Certes.
Mais, en fin de compte, chaque candidat ne demande lui-même d’être jugé que sur
son programme.
[72]. Et le Premier
ministre a dit après le second tour des élections législatives : « Les
Français ont choisi l’espoir au lieu de la colère. » Le sentimentaliste en tant
qu’analyse. La sentimentalisation de la politique instituée.
[73]. À l’instar de
Marcel Gauchet, on peut employer un terme moins lourd, la sortie de la religion,
non moins anodine néanmoins.
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